Page 15 - boite de pandore aperçu
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partient à une des meilleures familles de Normandie. Ce jeune
                 homme était rentré chez lui vers dix heures du soir, il renvoya
                 son domestique, le sieur Bouvin, en lui disant qu’il était fatigué
                 et qu’il allait se mettre au lit. Vers minuit, cet homme fut réveil-
                 lé tout à coup par la sonnette de son maître qu’on agitait avec
                 fureur. Il eut peur, alluma une lumière et attendit ; la sonnette
                 se tut environ une minute, puis reprit avec une telle force que le
                 domestique, éperdu de terreur, se précipita hors de sa chambre
                 et alla réveiller le concierge, ce dernier courut avertir la police
                 et, au bout d’un quart d’heure environ, deux agents enfonçaient
                 la porte. Un spectacle horrible s’offrit à leurs yeux, les meubles
                 étaient renversés, tout annonçait qu’une lutte terrible avait eu
                 lieu entre la victime et le malfaiteur. Au milieu de la chambre,
                 sur le dos, les membres raides, la face livide et les yeux effroy-
                 ablement dilatés, le jeune Pierre B... gisait sans mouvement ;
                 il portait au cou les empreintes profondes de cinq doigts. Le
                 rapport du docteur Bourdeau, appelé immédiatement, dit que
                 l’agresseur devait être doué d’une force prodigieuse et avoir
                 une main extraordinairement maigre et nerveuse, car les doigts
                 qui ont laissé dans le cou comme cinq trous de balle s’étaient
                 presque rejoints à travers les chairs. Rien ne peut faire soupçon-
                 ner le mobile du crime, ni quel peut en être l’auteur. La justice
                 informe. »
                    On lisait le lendemain dans le même journal :

                    « M. Pierre B..., la victime de l’effroyable attentat que nous
                 racontions hier, a repris connaissance après deux heures de soins
                 assidus donnés par M. le docteur Bourdeau. Sa vie n’est pas en
                 danger, mais on craint fortement pour sa raison ; on n’a aucune
                 trace du coupable. »
                    En effet, mon pauvre ami était fou ; pendant sept mois j’al-
                 lai le voir tous les jours à l’hospice où nous l’avions placé, mais
                 il ne recouvra pas une lueur de raison. Dans son délire, il lui
                 échappait des paroles étranges et, comme tous les fous, il avait
                 une idée fixe, il se croyait toujours poursuivi par un spectre.


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