Page 13 - boite de pandore aperçu
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Le lendemain, comme je passais devant sa porte, j’entrai
chez lui, il était environ deux heures, je le trouvai lisant et fu-
mant.
– Eh bien, comment vas-tu ? lui dis-je.
– Très bien, me répondit-il.
– Et ta main ?
– Ma main, tu as dû la voir à ma sonnette où je l’ai mise
hier soir en rentrant, mais à ce propos figure-toi qu’un imbécile
quelconque, sans doute pour me faire une mauvaise farce, est
venu carillonner à ma porte vers minuit ; j’ai demandé qui était
là, mais comme personne ne me répondait, je me suis recouché
et rendormi.
En ce moment, on sonna, c’était le propriétaire, personnage
grossier et fort impertinent. Il entra sans saluer.
– Monsieur, dit-il à mon ami, je vous prie d’enlever immé-
diatement la charogne que vous avez pendue à votre cordon de
sonnette, sans quoi je me verrai forcé de vous donner congé.
– Monsieur, reprit Pierre avec beaucoup de gravité, vous in-
sultez une main qui ne le mérite pas, sachez qu’elle a appartenu
à un homme fort bien élevé.
Le propriétaire tourna les talons et sortit comme il était en-
tré. Pierre le suivit, décrocha sa main et l’attacha à la sonnette
pendue dans son alcôve.
– Cela vaut mieux, dit-il, cette main, comme le «Frère, il
faut mourir» des Trappistes, me donnera des pensées sérieuses
tous les soirs en m’endormant.
Au bout d’une heure je le quittai et je rentrai à mon do-
micile. Je dormis mal la nuit suivante, j’étais agité, nerveux ;
plusieurs fois je me réveillai en sursaut, un moment même je
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