Page 14 - boite de pandore aperçu
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me figurai qu’un homme s’était introduit chez moi et je me levai
                 pour regarder dans mes armoires et sous mon lit ; enfin, vers six
                 heures du matin, comme je commençais à m’assoupir, un coup
                 violent frappé à ma porte, me fit sauter du lit ; c’était le domes-
                 tique de mon ami, à peine vêtu, pâle et tremblant.
                    –Ah monsieur ! s’écria-t-il en sanglotant, mon pauvre
                 maître qu’on a assassiné.

                    Je m’habillai à la hâte et je courus chez Pierre. La maison
                 était pleine de monde, on discutait, on s’agitait,  c’était  un
                 mouvement incessant, chacun pérorait, racontait et commen-
                 tait l’événement de toutes les façons. Je parvins à grand-peine
                 jusqu’à la chambre, la porte était gardée, je me nommai, on
                 me laissa entrer. Quatre agents de la police étaient debout au
                 milieu, un carnet à la main, ils examinaient, se parlaient bas de
                 temps en temps et écrivaient ; deux docteurs causaient près du
                 lit sur lequel Pierre était étendu sans connaissance. Il n’était pas
                 mort, mais il avait un aspect effrayant. Ses yeux démesurément
                 ouverts, ses prunelles dilatées semblaient regarder fixement avec
                 une  indicible épouvante une  chose horrible  et inconnue,  ses
                 doigts étaient crispés, son corps, à partir du menton, était recou-
                 vert d’un drap que je soulevai. Il portait au cou les marques de
                 cinq doigts qui s’étaient profondément enfoncés dans la chair,
                 quelques gouttes de sang maculaient sa chemise. En ce moment
                 une chose me frappa, je regardai par hasard la sonnette de son
                 alcôve, la main d’écorché n’y était plus. Les médecins l’avaient
                 sans doute enlevée pour ne point impressionner les personnes
                 qui entreraient dans la chambre du blessé, car cette main était
                 vraiment affreuse. Je ne m’informai point de ce qu’elle était de-
                 venue.

                    Je coupe maintenant, dans un journal du lendemain, le ré-
                 cit du crime avec tous les détails que la police a pu se procurer.
                 Voici ce qu’on y lisait :

                    « Un attentat horrible a été commis hier sur la personne
                 d’un jeune homme, M. Pierre B..., étudiant en droit, qui ap-


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