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mes larmes. L’imaginer tout seul, affrontant cette terrible
                 épreuve, m’était insoutenable. Alors j’ai sauté dans le
                 premier avion.
                    Le diabète. Quelle saloperie de maladie  ! J’avais
                 beaucoup de mal à admettre qu’au XXIème siècle, les
                 médecins avaient encore recours à une solution barbare du
                 Moyen Âge. Mon Dieu, au moment où l’avion traversait
                 les nuages, ils le réveillaient peut-être de son anesthésie.
                 Comment  allait-t-il  réagir, en  découvrant  son  membre
                 manquant ?

                    C’était horrible. Mon cœur cognait dans ma poitrine
                 et j’essayai de penser à autre chose.

                    Peine perdue. Je ne voyais que le sang qui coulait de la
                 plaie et le membre gangrené que les médecins avaient jeté
                 indifféremment comme une dent arrachée.
                    Je n’avais aucun souvenir de l’atterrissage, du passage
                 de la police et de la douane, du trajet en métro. Je me
                 souvenais seulement comment j’avais frappé doucement à
                 la porte de la chambre 213 de l’hôpital Georges Pompidou.

                    Mon père était allongé sur le lit. Il se retourna vers moi
                 et nos regards se croisèrent. Il me contempla, incrédule,
                 puis lâcha :
                    -Karim, tu es là !

                    -Bien sûr que je suis là, dis-je en essayant de retenir
                 mes larmes.

                    Sa jambe enveloppée de pansements dépassait sous les
                 draps, comme s’il voulait volontairement la contempler. Je
                 jetai un coup d’œil discret puis l’enlaçai. Trois mois, que


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